lundi 22 avril 2013

Retour sur : Cérémonie de citoyenneté

Le 5 avril dernier, l'équipe municipale accueillait les jeunes électeurs Vénissians. 470 jeunes majeurs ont automatiquement été inscrits sur les listes électorales de la commune. Cette cérémonie était l'occasion de leur rappeler toute l'importance du droit de vote.
 
 "Madame le maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs

Le 6 mai dernier, un vent d’espoir et de changement s’est levé avec l’élection de François Hollande à la Présidence de la République, après 17 ans où le pouvoir était aux mains de la droite.

Enfin, après cinq ans de gouvernement où l’étranger, l’autre, était vu comme un danger et considéré comme un bouc émissaire, le ton a changé. Ce ne sont que des petits pas, mais la circulaire de Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, sur l’immigration, a mis fin au règne de l’arbitraire et de la politique du chiffre, même si je considère que les limites de cette circulaire sont déjà atteintes.

Après des discours très violents, où les différences étaient stigmatisées, c’est le retour tant attendu de la modération et de l’humanité. Vous venez d’avoir 18 ans, vous serez les acteurs majeurs de ce changement.
 
18 ans. C’est l’âge de la majorité en France. C’est l’âge des responsabilités, de l’autonomie. Vous avez des droits et des devoirs, en tant que citoyen de la République. Parmi ces droits, le droit de vote. Ne vous trompez pas : c’est un droit important, il est le garant de notre démocratie et de notre liberté.
Certains, ici, en France, n’ont pas la chance d’avoir ce droit.

Il s’agit des étrangers non communautaires, qui sont laissés à la porte de la démocratie alors qu’ils vivent en France, y travaillent et construisent l’avenir de notre pays. Ils sont privés d’un droit élémentaire : celui de s’exprimer par les urnes et de choisir celles et ceux qui les gouvernent.

Je vous rappelle les paroles d’Harlem Désir en 1989, à l’époque président de SOS RACISME, devant le conseil de l’Europe, 3 ans avant que les ressortissants européens n’obtiennent le droit de vote aux élections locales.

« Pour nous ce n'est pas suffisant, ce ne peut être qu'une étape, l'objectif est que tous les étrangers peuvent être associés à la vie démocratique au travers des élections municipales. D'ailleurs, je note que dans tous les pays européens (12 États membres), où le droit de vote a été donné aux étrangers : Danemark, Hollande et Irlande, ce sont tous les étrangers qui en bénéficient.
Il ne faudrait pas qu’il y ait de bons immigrés européens et de mauvais immigrés non européens, car cela rejetterai encore plus dans la marginalisation la masse des immigrés venus du tiers monde et qui pourtant doivent être intégrés..../... Il faut créer une citoyenneté européenne qui ne soit pas euro-chauviniste mais qui soit véritablement démocratique..."

Aujourd'hui premier secrétaire du parti socialiste, Harlem Désir, est le mieux placé pour impulser une dynamique gouvernementale sur l'engagement pris par François Hollande, lors de sa campagne présidentielle:

"Moi président, je donnerai le droit de vote aux étrangers, non communautaires aux élections locales."
Le sénat et l'assemblée nationale sont à gauche, rien ne pourrait compromettre la mise en place de cet engagement, rien sauf l'absence de volonté politique!

Il est grand temps d’ouvrir les portes aux immigrés non européens et de leur accorder le droit de vote aux élections locales, comme l’a promis François Hollande dans son engagement n°50. Pour cela il ne manque plus qu’à convaincre 30 parlementaires du centre et pourquoi pas de la droite républicaine.
Si cette promesse, née de « la marche pour l’égalité » appelée à tort « la marche des « beurs » qui fête cette année ses 30 ans et qui avait débuté à Vénissieux, n’est pas encore tenue c’est peut-être parce qu’il manque la mobilisation des forces populaires. Il manque notre mobilisation à tous comme en 1983, lorsque la jeunesse de France est partie des Minguettes, de Marseille et d’ailleurs pour rejoindre Paris et l’Elysée.

Il manque la force de ceux qui sont favorables aux droits de vote des étrangers, ceux qui sont pour la justice et l’équité, face à ceux qui prétextent la montée des extrêmes et le vote communautariste, pour ne pas donner le droit de vote aux étrangers non européens. C’est une erreur, un petit calcul politicien enrobé de xénophobie mais surtout une discrimination flagrante envers une population d’immigrés qui a largement contribué à construire la France.
Oui c’est une discrimination que de laisser à la marge cette population, c’est une discrimination et une inégalité de traitement, qui nous rappelle l’histoire de la France coloniale celle qui différenciait les individus entre eux, comme en 1830 en Algérie.

 Le 5 Juillet 1830, en Algérie, lors du traité de capitulation signé par le bey d'Alger, la France s'engageait solennellement « à ne pas porter atteinte à la liberté des habitants de toutes classes et à leur religion ». En pratique, les habitants de l'Algérie, les indigènes comme on les appelait, étaient régis par un statut particulier et distinct selon qu'ils soient juifs ou musulmans, mais ils n’étaient pas français.
Ne pas accorder ce droit de vote est dangereux pour notre démocratie. Souvenons nous de la France de 1940, celle de Vichy, de Pétain et Laval, car c’est bien par l’absence de l’expression du peuple que les extrémistes sont arrivés au pouvoir.

Par peur des nazis, le parlement avait confié le pouvoir à un seul homme, après l’invasion de la France par les Allemands. Dès son arrivée au gouvernement transitoire, le maréchal Pétain se présente comme le sauveur de la France et se lance dans une politique ouvertement collaborationniste en faveur de l’ennemi et contre le peuple français.

Pétain met fin à la IIIe République. Le Parlement n’est plus rassemblé, l’opposition est interdite d’exercice, la censure est mise en place. Toutes les libertés individuelles et collectives sont abolies : égalité, le droit de vote, la liberté d’expression, de déplacement, de manifester, de grève, de syndicat... « Liberté, Egalité, Fraternité » sont désormais remplacés par « Travail, Famille et Patrie », ordre et discipline.

Le corporatisme est mis en place, quant à la place de la femme, elle se trouve être au foyer. Cette discrimination envers les femmes n’arrivera à son terme que le 23 mars 1944, par une ordonnance du Général de Gaulle qui prévoit le vote des femmes et leur éligibilité dans les mêmes conditions que les hommes.

C’est contre toutes ces injustices : les discriminations sexistes et raciales, contre la haine de l’autre, pour la défense de nos droits que de grands hommes se sont élevés et se sont indignés. Je ne citerai que le dernier d’entre eux qui vient de nous quitter récemment à l’âge de 95 ans.
Stéphane Hessel, ce résistant de la première heure, ce défenseur des libertés qui a largement contribué à l’écriture de la déclaration universelle des droits de l’homme, nous donnait encore des leçons de vie, de courage et de résistance.

Il nous a laissé un précieux héritage, sa mémoire et un message qui est celui de l’indignation par la non-violence, mais surtout celui de l’action par notre engagement après l’indignation…
Il faut s’attaquer à des réformes de fond et de pensées qui doivent accompagner une réforme de la société et une réforme de l’économie. Les systèmes politiques, syndicaux, associatifs permettent le changement à condition de les intégrer et d’en faire un outil pour l’intérêt de la société en général et plus particulièrement pour les générations futures.

J’ai souhaité vous rappeler quelques passages de l’histoire de notre pays pour que nous ayons conscience du pouvoir que nous avons entre les mains grâce à notre carte d’électeur.
Vous tous, ici présents, reflétez la diversité de notre commune, filles et garçons de tous horizons. Cette diversité ne se retrouve pas dans les allées du Parlement. Malgré des mesures et des lois, en faveur de la parité hommes-femmes notamment, l’assemblée nationale et le sénat sont tristement masculins. Il vous appartient de changer cet état de fait. En votant, en vous engageant dans la vie associative, syndicale ou politique, vous pourrez et nous pourrons, ensemble, construire un pays plus juste et plus éclairé.

Prenez soin de ce droit nouveau pour vous. Grâce à lui, vous deviendrez les décideurs économiques et politiques de notre pays, vous avez votre mot à dire sur la façon dont nous sommes gouvernés.

Ne laissez personne décider à votre place : votez.

Je vous remercie de votre présence."